Interview de David Peschard,

Agriculteur à l'initiative de la plateforme Manger Bio en Centre-Val de Loire

 

Et si des convictions personnelles pouvaient impacter positivement un territoire et ses habitants ? Et si l'implication d'une personne ou de quelques-uns pouvait faire bouger les lignes et entraîner dans son sillage d’autres acteurs d’un territoire dans une démarche collective impactante ?

C’est ce que nous avons pu constater en interrogeant David Peschard, agriculteur biologique en Centre-Val de Loire, qui est à l’initiative de la création de la plateforme de circuits courts Manger Bio, qui permet aux professionnels de la restauration collective d’être en lien direct avec des producteurs bio de la région.

Une vision globale de l’agriculture :

Installés depuis 15 ans à la Ferme des 4 Vents, M. Peschard et sa compagne sont polyculteurs d’une vingtaine d'espèces sur leur exploitation. Céréaliers, ils cultivent des oléagineux et produisent des huiles première pression à froid (colza, tournesol, chanvre et cameline) ainsi qu’une gamme très diversifiée de légumes secs, ou en bocaux prêts à être consommés (lentilles vertes ou corail, pois chiches, pois cassés, etc.).

Quand nous lui demandons comment il voit son métier d’agriculteur et quelle implication il a sur son territoire, il nous explique sa vision : "Nous avons toujours voulu développer le triptyque de l'agriculture durable, c’est-à-dire environnemental, ce qui nous a encouragés à nous convertir en bio il y a une dizaine d'années, social, pour développer des activités afin de pouvoir embaucher, et territorial, en s'impliquant et s'engageant au sein du territoire.

C’est pourquoi je suis impliqué dans des associations interprofessionnelles régionales qui regroupent et représentent les acteurs de la filière agricole biologique, et que ma compagne est impliquée au niveau de la commune.

On ne s’imaginait pas être simplement producteurs pour produire, et laisser la main à d’autres structures industrielles pour s’occuper de la transformation et de la vente, sans aucun lien avec le territoire. Moi je conçois le métier d’agriculteur comme celui qui produit, transforme si possible et garde le lien direct avec le consommateur et son territoire. Etant donné nos activités, nous sommes créateurs d’emplois, nous sommes en lien avec l’acheteur local, et nous entretenons le paysage par la plantation de structures paysagères qui sont aussi des « gîtes et couverts » pour les oiseaux et les insectes".

La genèse de la plateforme Manger Bio :

M. Peschard revient ensuite sur les problématiques qu’il a petit à petit rencontrées dans son exploitation : "Nous avions pris des engagements à l'échelle départementale et régionale, pour fournir des cantines scolaires locales en circuits courts avec des produits de type lentilles et autres. De fil en aiguille, les communes intéressées étaient de plus en plus nombreuses et de plus en plus éloignées de notre exploitation. Logistiquement, il est devenu de plus en plus compliqué de répondre à ces demandes mais c’est également devenu dur à gérer administrativement".

Ainsi c’est grâce aux réunions collectives avec d’autres professionnels du secteur qu’il a pu se rendre compte que le constat était le même pour beaucoup de collègues bio du territoire et qu’ils ont décidé de créer quelque chose ensemble en partant de leur besoin : "une structure qui ferait l'intermédiaire et gérerait le côté logistique et administratif pour nous et faciliterait le travail pour les clients, les collectivités ou même les établissements de la restauration collective. Que les clients n’aient plus besoin de téléphoner à chaque producteur mais qu’ils puissent passer leurs commandes de produits bio quelles qu’elles soient (produits laitiers, légumes, volailles, etc.) avec un seul interlocuteur".

Au sein du Réseau APOGÉES, nous avons fait les mêmes observations dans le cadre de notre partenariat avec le Groupement Associatif des Restaurants Sociaux (GARS) qui rencontre des difficultés à se fournir localement. C’est à leur côté que nous avons imaginé également la création d’une plateforme en circuits courts à destination de nos adhérents. Ce qui nous a conduit à rencontrer M. Peschard et à soutenir son projet tout en faisant valoir les attentes des établissements de l’Économie Sociale et Solidaire.

Un projet qui dynamise le territoire :

La plateforme solidaire Manger Bio Centre-Val de Loire répond à deux objectifs : augmenter le chiffre d’affaires des agriculteurs, mais surtout leur faciliter la tâche ainsi que celle des collectivités et des établissements de la restauration collective.

M. Peschard nous explique que cette plateforme va permettre de générer une dynamique sur le territoire : "Au-delà de ce double objectif, ce qui nous réunit c’est la volonté collective des agriculteurs bio de la région de développer les filières : on est conscient que tout n'est pas disponible en région mais si on constate une demande forte des collectivités et restaurants collectifs, nous créerons par ce biais de nouvelles filières, peut-être de nouvelles activités, donc de l’emploi et de la plus-value en local".

Enfin, M. Peschard nous rappelle également qu’être acteur sur son territoire permet aussi de ne pas être seul malgré l’isolement géographique que certains agriculteurs peuvent ressentir : "la Chambre d’Agriculture fait le constat qu’il y a de plus en plus de jeunes agriculteurs (ou moins jeunes) qui se retrouvent isolés parce qu’ils n’ont pas de liens avec les consommateurs, avec les autres collègues, avec les collectivités, les politiques ou autres. C'est vrai que s’engager, s’impliquer sur des projets comme celui-là permet de créer du lien, se sentir moins seul, de s'épanouir un peu plus dans son métier et de ne pas être uniquement producteur".

Sa conclusion est également vraie pour de nombreuses professions au sein des établissements de nos adhérents, et c’est pour pallier cet isolement, que le Réseau APOGÉES anime des groupes de professionnels dans certaines régions. A l’instar de « Restaur'action », un club de cuisiniers de l’ESS, ou les Clubs de pairs liés aux métiers de la Qualité ou encore de l’Innovation Sociale mis en place en Rhône-Alpes, qui permettent des échanges et partages d’expériences entre pairs. (Pour plus d'informations sur ces clubs vous pouvez consulter notre catalogue d'animations territoriales).

Outre la création de liens, les coopérations territoriales entre structures de l’ESS présentent de nombreux intérêts et se révèlent souvent être des stratégies payantes pour leur développement. Si ce sujet vous intéresse, nous vous invitons à lire notre article à ce sujet, ainsi que celui traitant particulièrement des milieux ruraux où la coopération territoriale est d’autant plus bénéfique. Enfin, les différents enjeux pour une coopération territoriale réussie sont également traités dans un autre de nos articles. Bonne lecture !

La plateforme Manger Bio Centre-Val de Loire est opérationnelle depuis le 1er janvier 2023, et est accessible à l'ensemble des établissements de la restauration collective, notamment aux cantines scolaires, sur des produits tels que les fruits et légumes, les huiles, farines et légumineuses mais également les produits laitiers et de crémerie, les viandes, etc.

Le site des Achats Responsables Mutualisés est propulsé par le Réseau APOGÉES en réponse aux besoins explicités par les adhérents du Réseau d’avoir un espace de partage entre pairs et des solutions clés en main pour piloter leur politique d’achats durables.

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Le Réseau APOGÉES remercie toutes les personnes citées dans cet article pour leurs témoignages :

• M. David Peschard, Agriculteur bio, Ferme des 4 vents en Centre-Val de Loire, co-président des agriculteurs bio du Loir-et-Cher, et administrateur de Bio Centre, association interprofessionnelle régionale, qui regroupe et représente les acteurs de la filière agricole biologique de la région Centre-Val de Loire.

Ainsi que ses collaborateurs pour l’écriture, le recueil des interviews et leurs expertises :

• Christelle Cléon, Responsable des partenariats & délégations du Réseau APOGÉES,
• Cécile Terme, Responsable communication du Réseau APOGÉES,
• Anne-Sophie Merlière, Assistante du Directeur général du Réseau APOGÉES,
• Zoé Branche, Chargée de marketing du Réseau APOGÉES.

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